Mise au point d'un système multiamplifié
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Mise au point d'un système multiamplifié
Bonjour à tous

La réalisation de mon nouveau système est l'occasion de décrire la méthode que j'ai utilisée pour sa mise au point (que je considère comme non terminée à l'heure où je poste), qui peut donner des informations pratiques utiles à ceux qui débutent, ou qui envisagent d'y venir avec un peu d'appréhension. Cette appréhension peut être vaincue par la rigueur et la méthode. On pourra ainsi accéder à des résultats inenvisageables en passif.
J'ai trouvé intéressant d'ouvrir une nouvelle discussion sur le sujet, afin que nous puissions échanger sur nos diverses façons de faire.
Cette méthode s'adresse donc à ceux qui ont déjà choisi l'architecture de leur système et leurs composants, et défini une charge pour les différents HP. Les enceintes sont faites, l'électronique est là.
Dans mon cas, c'est un système à trois voies, ou plus exactement deux voies + subs, ces derniers raccordés à 100Hz.
Le filtre actif est pour l'instant le BSS FDS366T. Une particularité : j'utilise pour l'extrême grave des amplis qui disposent de bonnes capacités d'égalisation, plus précises d'ailleurs que celle du BSS, dont la précision est de 0,05 octave, qui me paraît insuffisante pour traiter des résonances très pointues, mais j'exagère peut-être dans le purisme.

Pour les mesures, j'utilise un micro APEX220, que je n'ai pas trouvé utile de calibrer. Il a la particularité d'avoir une tête de 1/4 de pouce, peu directive, qui me l'a fait préférer à l'ECM8000.
J'utilise les logiciels ARTA et surtout REW. En fait, ces deux logiciels font à peu près la même chose, mais diffèrent par leur ergonomie.
REW, par exemple gère les overlays (la superposition de diverses mesures sur le même graphe) de façon génialement pratique. On peut même afficher sur un graphe des mesures présentes sur un autre fichier réalisé antérieurement. Parmi les spécificités de REW, l'une d'entre elles est d'un intérêt exceptionnel pour la mise au point du système : l'aide à l'égalisation. A partir d'une mesure "propre", c'est-à-dire faite en champ proche, et d'une courbe cible, REW définit les filtres à mettre en oeuvre pour rejoindre cette cible. Ces filtres sont définis en type, fréquence, niveau et facteur de qualité. REW simule l'utilisation de ces filtres et fait apparaître la "predicted curve", mais aussi le nouveau waterfall. J'ai abondamment utilisé cette fonctionnalité de REW pour corriger le trou de la TD2001, ou les irrégularités de la réponse de mon grave-medium dans la zone 300-400Hz, ça a pris quelques minutes.
J'utilise ARTA d'une part pour faire des diagrammes de directivité (mais ça n'est pas notre sujet d'aujourd'hui), d'autre part pour fignoler mes alignements.
J'utilise également SpectraLab, qui permet de superposer simplement 4 mesures en tiers d'octave, avec des moyennes effectuées sur un nombre de mesures qui va de 1 à l'infini. Bien pratique quand on doit faire des mesures en moyennage spatial à quelques mètres du PC...

PREMIERE ETAPE : LA CARACTERISATION DES HP
Cette mesure se fait en champ proche, afin de s'affranchir des effets de la salle. Cette caractérisation se fait en sinus glissant. Elle permet d'identifier avec précision les caractéristiques propres du HP : réponse en fréquence et en phase, distorsion.
Cette étape permet d'une part d'identifier la plage de fréquence utilisable, et d'autre part de corriger les accidents de réponse de faible étendue fréquentielle. Les variations "lentes" de la réponse seront traitées plus tard, lorsqu'on aura raccordé les différents HP.
Dans mon cas, voici la réponse de l'extrême-grave mesurée en champ proche (micro à un centimètre de la membrane) :
   
Ces HP seront coupés à 100Hz, aucune correction ne s'avère nécessaire.
Incidemment, l'accident visible vers 3000Hz est probablement dû au cache-noyau, et son amplitude s'atténue lorsqu'on déplace le micro du centre vers l'extérieur de la membrane.
Pour le grave-medium, les choses sont différentes. Voici la réponse en champ proche :
   
Je n'ai pas jugé nécessaire de raboter l'accident situé vers 3000Hz, assez loin de la coupure, prévue à 732Hz. J'ai par contre corrigé les accidents visibles vers 400Hz, et "aplati" la réponse. Ce qui donne, pour chacune des voies :
       
Cette correction a nécessité l'emploi de 3 filtres.
Concernant la TD2001 chargée par un pavillon Le Dauphin, la seule correction à ce stade a été le comblement de son creux congénital. Un seul filtre a suffi : +5,6dB à 1620Hz, largeur 0,55 octave, une paille. Je n'ai pas conservé de mesure avant/après, mais j'ai retrouvé les mesures réalisées voici une paire d'années sur les TD2001 chargées par un pavillon PH-3220 :
       
Ca n'est pas la peine de s'en priver ! C'est d'ailleurs une constante : des accidents de réponse s'accompagnent généralement d'un accident de phase. Corriger la réponse permet systématiquement de réduire l'accidentologie de la courbe de phase. C'est fromage et dessert, et c'est gratuit.
A l'issue de ce travail, on a entre les mains de quoi choisir les plages de fonctionnement des divers HP, en essayant de ne pas trop "chatouiller" leurs limites.
En toute rigueur, il faut aussi que les HP soient raccordés à des fréquences où leurs directivités se ressemblent. Dans mon cas, j'avais voici quelque temps comparé la directivité horizontale du pavillon Le Dauphin avec celle d'un HP de 12", en l'occurrence le JBL 2206H. Je joins le PDF que j'avais posté à l'époque, qui montre que les lobes des deux HP ont une largeur très voisine sur une très grande plage de fréquences, autorisant sans problème le raccordement à 732Hz envisagé ici. Mais je n'avais pas réalisé à l'époque de mesures de directivité verticale, je le regrette aujourd'hui, mais je n'ai pas eu le courage de les faire...

DEUXIEME ETAPE : TRAVAIL SUR LES RACCORDEMENTS
J'ai deux raccordements à réaliser.
Le premier entre extrême grave et grave-medium, pour lequel j'ai choisi arbitrairement une fréquence de 100Hz, et pour l'instant un filtrage en Linkwitz-Riley à 24dB/octave. Ce type de raccordement m'a toujours donné satisfaction, et je n'ai trouvé dans la littérature aucune information invitant à faire autrement. Par ailleurs, c'est le type de filtrage utilisé dans l'univers de la sonorisation professionnelle. Pour l'alignement des HP à cette fréquence de 100Hz, les méthodes connues ne fonctionnent pas, rechercher de l'aide dans la mesure est illusoire. Je me suis donc contenté de constater que la distance au point d'écoute des HP concernés était la même et je n'ai donc paramétré aucun delay entre ces voies.
Je me suis posé la question différemment pour le couple grave-medium et medium-Aigu.
Voici quelque temps, j'avais réalisé, et publié ici, les mesures du tandem TD2001 + Le Dauphin. Je les mets en pièce jointe également. J'en avais conclu que je le couperai au-dessus de 700Hz, même si certains s'autorisent des fonctionnements jusque 600 voire 500Hz. Peut-être dans un deuxième temps tenterai-je un 650, mais le jeu vaut-il la chandelle ? Je suis preneur de plus amples informations sur le sujet.
Pour le choix de l'univers de filtrage, j'ai regardé le document de BSS sur les qualités comparées des différents types de filtre :
   
Bien entendu, BSS cherche à "vendre" son NTM36. J'en ai surtout conclu que j'allais essayer le NTM36, le LR24 et le classique BW18, et me livrer ensuite à des écoutes comparatives.
A la date d'aujourd'hui j'ai à peu près finalisé mon preset en LR24, et optimisé le réglage avec un délai de 1,1ms, soit 38cm environ, ce qui correspond à très peu de choses près au décalage physique entre les plans verticaux des bobines mobiles des HP concernés.
   
Pour réaliser cet alignement, j'ai utilisé la méthode classique, ça prend quelques minutes là encore. Les personnes intéressées se reporteront aux nombreux échanges sur ce même fil, et aux tutoriels rédigés par certains membres.
A ce stade des réglages, on peut se contenter d'une égalisation de niveau entre HP relativement peu précise, elle ne compromet pas le choix d'alignement qui sera fait.
Une méthode rapide d'alignement consiste à avancer délibérément le grave par rapport à l'aigu, et à observer la réponse impulsionnelle. On voit distinctement le démarrage du grave en avance, voir le pdf joint intitulé "grave en avance". Il suffit alors de mesurer directement le décalage entre le démarrage du grave et le pic de l'aigu, à l'aide du marqueur et du curseur (on peut agrandir l'échelle pour faciliter cette lecture), et d'appliquer la correction de delay correspondante. On tombe en général très près de l'optimum, et on peut alors affiner par pas de 0,05 ms avant d'arrêter le réglage définitif.
Ci-dessous, une illustration de ce type d'approche, utilisée sur cet exemple pour un dégrossissage, mais la démarche est la même pour un affinage.
       
Si on veut être sûr, l'examen du CSD confirmera le résultat obtenu.
Pour cette mesure, le micro est situé à un mètre environ des HP (ce n'est pas critique), sur la droite qui relie ce centre acoustique aux oreilles de l'auditeur.

TROISIEME ETAPE : "ASSEMBLAGE" AU POINT D'ECOUTE
On peut maintenant passer aux choses sérieuses, les plus délicates : comment obtenir le résultat optimal au point d'écoute ?
On va donc se concentrer maintenant sur la courbe de réponse du système, observée au point d'écoute, et sur rien d'autre.
Au point d'écoute, les mesures en fréquence fixe ou en sinus glissant sont totalement inexploitables, il suffit de faire un sweep pour s'en convaincre, et même un deuxième après avoir déplacé le micro de quelques centimètres.
On va donc utiliser une approche statistique, en utilisant un moyennage fréquentiel par bande d'octaves, et d'autre part un moyennage spatial, avec un signal entrant qui sera un bruit rose, qui fournit une énergie constante par bande d'octave.
Il s'agit du vrai bruit rose (et non pas du "pink PN"), et on fait une analyse en temps réel (chez REW ça s'appelle RTA) avec une moyenne effectuée sur un nombre élevé de mesures (dans les paramètres, régler average sur "expo 97").
Le moyennage spatial s'effectue en balayant avec la main tenant le micro un espace de 50x50cm, par exemple, tranquillement, et d'arrêter la mesure quand la courbe apparaissant à l'écran est stabilisée.
Le premier intérêt de l'opération est d'ajuster correctement les niveaux relatifs des différents HP. Ca vaut vraiment la peine d'y passer du temps, la forme de la réponse finale est le paramètre dominant du réglage du système, une fois réglés les problèmes d'intendance évoqués dans les deux premiers point de ce post.
Si la zone d'écoute est assez large (un canapé, par exemple), on peut simplement balayer une zone large d'un mètre cinquante sans faire d'acrobatie.
Dans mon cas, ce travail concerne essentiellement le raccordement entre le grave-medium et le medium-aigu.
Le réglage du niveau de l'extrême-grave est moins critique. De toute façon, ce réglage sera vraiment finalisé à l'oreille, après traitement des résonances.
Les documents disponibles sur internet concernant les "courbes cibles" sont relativement convergents pour l'extrême grave : il semble que tout le monde s'accorde pour que ce registre soit placé à +6dB environ au-dessus du registre medium de 20 à 75 Hz, et le rejoigne approximativement vers 150Hz.
Dans l'aigu, les publications sont moins précises, mais relativement convergentes : on considère généralement que la courbe de réponse présente une chute de 1,5 à 2dB par octave à partir d'une fréquence de 2 à 3kHz. Ca n'est malheureusement pas très précis, et ça dépend notamment des caractéristiques de réverbération de la pièce, mais ça donne une base de travail, et suppose beaucoup d'écoutes pour parvenir à un réglage satisfaisant.
Ces écoutes doivent dans un premier temps se focaliser sur le grave. Les graves sont-ils propres ? A-t-on l'impression d'avoir des dominantes ? Distingue-t-on bien des notes adjacentes ? Dans le doute, on peut rechercher des résonances, et REW est d'une grande aide, voir le tuto d'analyse modale pages 106 à 109. REW aide à localiser les résonances, et à définir les paramètres de filtrage permettant de les atténuer. Il faut tâtonner un peu, en évitant les atténuations violentes. Une atténuation de l'ordre de 5dB est généralement suffisante pour "traiter" les principales résonances, correspondant à des RT60 supérieurs à 500ms.
Dans mon cas, ceci s'est traduit par l'application de 4 filtres à 23,7Hz, 44,2Hz, 62,5 et 66Hz. L'amélioration a été spectaculaire : l'écoute est dégraissée, les voix sont plus claires, l'extrême grave est propre et bien en place, il donne une impression de solidité. Je recommande vraiment ce travail sur les résonances, il change beaucoup les choses.
J'avais posté la semaine dernière ce relevé au point d'écoute :
   
Au moment de cette publication, le traitement des résonances n'avait pas encore été fait, et ma satisfaction sur les voix, masculines comme féminines, n'était pas totale.
Depuis cette date, j'ai pas mal avancé, et je publierai prochainement le résultat de ces travaux.
Par ailleurs, une fois le réglage finalisé, je le transposerai en BW18 et NTM36 afin de me livrer à des comparaisons.

Pascal


Pièces jointes
.pdf   Comparaison directivité Le Dauphin et JBL2206H.pdf (Taille : 264,08 Ko / Téléchargements : 647)
.pdf   Mesures Le Dauphin - TD N°BB1085.pdf (Taille : 113,56 Ko / Téléchargements : 524)
.pdf   Grave en avance.pdf (Taille : 23,88 Ko / Téléchargements : 407)
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Mise au point d'un système multiamplifié - par pvrx - 30/06/2014-01:01:39

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