Entre 10 et 15 kg la pièce, m'avait dit Y.A. Bon, ça me semblait raisonnable. J'avais donc demandé à mon pote Jean-Jacques (alias Vachette, allez donc jeter un coup d'oeil sur son blog www.thevache.net, ça vaut le déplacement) s'il voulait bien venir avec sa camionnette pour m'aider à transporter deux enceintes acoustiques.
Arrivés sur place malgré les inextricables embouteillages du boulevard Général Jacques vers 18h30 (les Bruxellois comprendront...), nous sonnons à la porte de la demeure princière d'Yves A., plus connu ici sous le pseudo d'Yves 845.
Ici, attention: flash-back façon film de Claude Lelouch. Il y a environ dix ans, je suis accoudé au bar d'un hôtel bruxellois. J'ai rendez-vous avec un parrain de la mafia audiophile parisienne, le célèbre Raoul L., accompagné par quelques porte-flingues du gang Melaudia. C'est là que j'ai fait la connaissance du terrible Yves A., dit Yves le muet, première gâchette chez Raouli.
Je vous passe les détails de la soirée très arrosée qui s'en suivit. Tous les sbires de Melaudia doivent en avoir gardé des séquelles irréversibles. Les plus curieux d'entre vous trouveront un récit de cette bacchanale en fouillant dans les caves du forum de haute-fidélité Delphi.
Toujours est-il que c'est à cette occasion qu'Yves le muet s'est rendu compte que Bruxelles, c'est tout de même beaucoup plus vivable que Paris. Comme quoi, on peut être muet et néanmoins clairvoyant (ne dirait-ton pas la morale d'une fable de Jan van de Poemp, alias Jean de La Fontaine?...).
Du coup, Yves n'a pas tardé à venir s'installer dans la capitale de l'Europe avec femme et enfants. Certaines mauvaises langues ont dit à l'époque qu'il fuyait la dictature sarkozyste qui allait s'abattre sur l'Hexagone, mais nous ne sommes pas du genre à prêter l'oreille à ce genre de fariboles, vous nous connaissez.
Faut dire aussi que madame 845 avait gagné une sorte de lotto (deux l en Belgique, un seul en France) littéraire, ce qui a permis à la petite famille de s'installer dans un somptueux hôtel de maître bruxellois, pour un prix qui n'aurait même pas payé une cabane à lapins dans une arrière-cour à Pantruche.
Très heureusement, comme il n'étaient pas de vrais Parisiens (Yves est d'Amiens, sa compagne est suissesse), ils ont daigné se mêler à la population bruxelloise, où il se sont vite fait des amis. Yves est un type charmant, très discret, particulièrement taiseux (d'où son surnom d'Yves le muet), mais un audiophile acharné. Jusqu'il y a peu, il s'escrimait avec une chaîne hi-fi pas piquée des hannetons et apparemment plus difficile à régler qu'une Formule 1: platine EMT 930, gros tuner Mac Intosh, lecteur CD Wadia, machin-chose Tact et les trois amplis qui vont avec, et surtout d'énormes enceintes multi-pavillonnaires dans lesquelles on aurait pu loger une douzaine d'immigrés clandestins.
Je me souviens notamment d'une mémorable séance durant laquelle Yves nous avait fait écouter un disque des «Percussions de Strasbourg» (faut aimer...) à fond les ballons, au grand dam de Pierre H., alias Kara (une célébrité dans le monde de l'audio en Belgique), qui était dans un état proche de l'Ohio. On aurait dit le capitaine Haddock quand la Castafiore chante «L'air des bijoux» de Faust...
Evidemment, entre audiophiles, on se rend des services, on s'achète, on se vend ou on s'échange quelques bricoles. Un jour, Yves s'est intéressé à un truc qui traînait chez moi: une lourde console métallique destinée à accueillir une platine tourne-disques EMT 948 dans les studios de radio ou de télé. Le deal a été vite réglé: je te donne la console EMT, tu me donnes ces deux ébénisteries pour 38cm qui traînent dans les sous-sols de ton palais. La console a donc pris la direction de l'hôtel 845 et j'ai dit à Yves: «Garde les caisses pour le moment, je viendrai les chercher plus tard». Plus tard, on peut le dire: elles sont restées chez lui pendant presque dix ans...
Dans la vie réelle, Yves exerce (exerçait) la noble profession de médecin psychiatre. Selon un de mes camarades, qui ne recule jamais devant une bonne grosse simplification abusive, «Les psychiatres, ils sont généralement aussi fous que leurs patients». On aurait presque tendance à le croire, puisque notre ami Yves vient de tout envoyer bouler (ça me paraît être bien plus qu'une simple année sabbatique) pour prendre la direction de l'Ouzbekistan et du Kazakhstan. Mais oui, madame Michu. Bon, à notre époque, ça ne semble plus vraiment extraordinaire. Sauf que lui, au lieu de sauter dans le premier avion, il est parti... à vélo! Mais si, je vous assure.
A l'heure où j'écris ces lignes, il doit être en short (sa tenue préférée) en train de pédaler quelque part entre Bruxelles et Astana (capitale du Kazakhstan, comme nul ne l'ignore, les Français étant très forts en géographie, c'est notoire). On lui souhaite bon courage pour traverser à bicyclette l'Anatolie, l'Iran et le Turkmenistan en plein hiver, ce doit être un ravissement ininterrompu.
Il y a quelques semaines, quand Yves m'a prévenu qu'il allait partir faire le zouave vélocipédique au Trucmuchistan, il m'a dit qu'il comptait vendre son palace bruxellois (hélas pas du tout dans mes moyens) et benner tout un tas de trucs, parmi lesquels les fameuses caisses. Et que si je voulais les récupérer, il fallait que je me magne le train, sinon...
Entre dix et quinze kg la pièce, tu parles... Quand j'ai essayé d'en soulever une, je me suis aperçu qu'on était plutôt aux alentours de quarante kg. Je ne sais pas exactement ce que c'est, mais je soupçonne qu'il s'agit d'une création du magazine de l'Audiophile dans les années 80. C'est vachement bien construit, avec des tasseaux pour rigidifier le tout et un évent rectangulaire. Tant qu'à faire, le généreux Yves 845 m'a filé gracieusement les H-P qui vont avec, des Monacor SP 380 PA. C'est pas dégueu... En plus j'ai récupéré la console pour EMT 948, autant vous dire que je n'ai pas perdu ma soirée.
Cela dit, dans l'immédiat, je ne sais pas trop ce que je vais faire avec ces enceintes et leurs grosses gamelles. Dans un immeuble comme celui où j'habite, si j'installe ce genre de trucs dans ma chaîne, j'aurai bientôt autant de flics devant la porte que si le chef de l'état islamique était caché dans mon placard à balais. Bon, qui vivra verra...
Yves, si tu nous lis, donne de tes nouvelles!
Arrivés sur place malgré les inextricables embouteillages du boulevard Général Jacques vers 18h30 (les Bruxellois comprendront...), nous sonnons à la porte de la demeure princière d'Yves A., plus connu ici sous le pseudo d'Yves 845.
Ici, attention: flash-back façon film de Claude Lelouch. Il y a environ dix ans, je suis accoudé au bar d'un hôtel bruxellois. J'ai rendez-vous avec un parrain de la mafia audiophile parisienne, le célèbre Raoul L., accompagné par quelques porte-flingues du gang Melaudia. C'est là que j'ai fait la connaissance du terrible Yves A., dit Yves le muet, première gâchette chez Raouli.
Je vous passe les détails de la soirée très arrosée qui s'en suivit. Tous les sbires de Melaudia doivent en avoir gardé des séquelles irréversibles. Les plus curieux d'entre vous trouveront un récit de cette bacchanale en fouillant dans les caves du forum de haute-fidélité Delphi.
Toujours est-il que c'est à cette occasion qu'Yves le muet s'est rendu compte que Bruxelles, c'est tout de même beaucoup plus vivable que Paris. Comme quoi, on peut être muet et néanmoins clairvoyant (ne dirait-ton pas la morale d'une fable de Jan van de Poemp, alias Jean de La Fontaine?...).
Du coup, Yves n'a pas tardé à venir s'installer dans la capitale de l'Europe avec femme et enfants. Certaines mauvaises langues ont dit à l'époque qu'il fuyait la dictature sarkozyste qui allait s'abattre sur l'Hexagone, mais nous ne sommes pas du genre à prêter l'oreille à ce genre de fariboles, vous nous connaissez.
Faut dire aussi que madame 845 avait gagné une sorte de lotto (deux l en Belgique, un seul en France) littéraire, ce qui a permis à la petite famille de s'installer dans un somptueux hôtel de maître bruxellois, pour un prix qui n'aurait même pas payé une cabane à lapins dans une arrière-cour à Pantruche.
Très heureusement, comme il n'étaient pas de vrais Parisiens (Yves est d'Amiens, sa compagne est suissesse), ils ont daigné se mêler à la population bruxelloise, où il se sont vite fait des amis. Yves est un type charmant, très discret, particulièrement taiseux (d'où son surnom d'Yves le muet), mais un audiophile acharné. Jusqu'il y a peu, il s'escrimait avec une chaîne hi-fi pas piquée des hannetons et apparemment plus difficile à régler qu'une Formule 1: platine EMT 930, gros tuner Mac Intosh, lecteur CD Wadia, machin-chose Tact et les trois amplis qui vont avec, et surtout d'énormes enceintes multi-pavillonnaires dans lesquelles on aurait pu loger une douzaine d'immigrés clandestins.
Je me souviens notamment d'une mémorable séance durant laquelle Yves nous avait fait écouter un disque des «Percussions de Strasbourg» (faut aimer...) à fond les ballons, au grand dam de Pierre H., alias Kara (une célébrité dans le monde de l'audio en Belgique), qui était dans un état proche de l'Ohio. On aurait dit le capitaine Haddock quand la Castafiore chante «L'air des bijoux» de Faust...
Evidemment, entre audiophiles, on se rend des services, on s'achète, on se vend ou on s'échange quelques bricoles. Un jour, Yves s'est intéressé à un truc qui traînait chez moi: une lourde console métallique destinée à accueillir une platine tourne-disques EMT 948 dans les studios de radio ou de télé. Le deal a été vite réglé: je te donne la console EMT, tu me donnes ces deux ébénisteries pour 38cm qui traînent dans les sous-sols de ton palais. La console a donc pris la direction de l'hôtel 845 et j'ai dit à Yves: «Garde les caisses pour le moment, je viendrai les chercher plus tard». Plus tard, on peut le dire: elles sont restées chez lui pendant presque dix ans...
Dans la vie réelle, Yves exerce (exerçait) la noble profession de médecin psychiatre. Selon un de mes camarades, qui ne recule jamais devant une bonne grosse simplification abusive, «Les psychiatres, ils sont généralement aussi fous que leurs patients». On aurait presque tendance à le croire, puisque notre ami Yves vient de tout envoyer bouler (ça me paraît être bien plus qu'une simple année sabbatique) pour prendre la direction de l'Ouzbekistan et du Kazakhstan. Mais oui, madame Michu. Bon, à notre époque, ça ne semble plus vraiment extraordinaire. Sauf que lui, au lieu de sauter dans le premier avion, il est parti... à vélo! Mais si, je vous assure.
A l'heure où j'écris ces lignes, il doit être en short (sa tenue préférée) en train de pédaler quelque part entre Bruxelles et Astana (capitale du Kazakhstan, comme nul ne l'ignore, les Français étant très forts en géographie, c'est notoire). On lui souhaite bon courage pour traverser à bicyclette l'Anatolie, l'Iran et le Turkmenistan en plein hiver, ce doit être un ravissement ininterrompu.
Il y a quelques semaines, quand Yves m'a prévenu qu'il allait partir faire le zouave vélocipédique au Trucmuchistan, il m'a dit qu'il comptait vendre son palace bruxellois (hélas pas du tout dans mes moyens) et benner tout un tas de trucs, parmi lesquels les fameuses caisses. Et que si je voulais les récupérer, il fallait que je me magne le train, sinon...
Entre dix et quinze kg la pièce, tu parles... Quand j'ai essayé d'en soulever une, je me suis aperçu qu'on était plutôt aux alentours de quarante kg. Je ne sais pas exactement ce que c'est, mais je soupçonne qu'il s'agit d'une création du magazine de l'Audiophile dans les années 80. C'est vachement bien construit, avec des tasseaux pour rigidifier le tout et un évent rectangulaire. Tant qu'à faire, le généreux Yves 845 m'a filé gracieusement les H-P qui vont avec, des Monacor SP 380 PA. C'est pas dégueu... En plus j'ai récupéré la console pour EMT 948, autant vous dire que je n'ai pas perdu ma soirée.
Cela dit, dans l'immédiat, je ne sais pas trop ce que je vais faire avec ces enceintes et leurs grosses gamelles. Dans un immeuble comme celui où j'habite, si j'installe ce genre de trucs dans ma chaîne, j'aurai bientôt autant de flics devant la porte que si le chef de l'état islamique était caché dans mon placard à balais. Bon, qui vivra verra...
Yves, si tu nous lis, donne de tes nouvelles!
"Le comble du snobisme, c'est de parler de Mozart sans avoir jamais vu ses tableaux".
